Sortir du dessin et de la gravure pure et dure, s’émanciper de la photographie argentique, triturer la matière, effacer le geste... En cessant de faire appel au réel et aux procédés qui lui sont familiers, Clara Champsaur matérialise ce qui toucheau contraire à l’aléatoire. A coups d’encre, de plaques d’argent et de tours de chimie, elle récrée, par un rituel bien précis, ce qu’elle a découvert par hasard au grès de ses expériences en atelier d’imprimerie et en laboratoire.

« J’ai réalisé que ce qui me plaisait le plus, c’était de provoquer des surgissements, révéler quelque chose qu’on ne maitrise pas. Un déplacement laissant apparaitre des formes que le geste initial ne dit pas. Ce que l’on voit n’est pas tout ce qui existe car on n’a pas accès à tout » explique-t-elle. Composée de différents ensembles, son oeuvre prend racine dans son travail de monotype, une technique de gravure où elle mêle les textures d’encre sur du plexiglas avant de les imprimer et de les numériser. Le dessin devient une matrice qu’elle modifie sur Photoshop en procédant à une inversion des couleurs, du positif au négatif.

C’est de la peinture que je fais avec de la chimie. La prédominance de noir et de blanc sur mes supports : toiles, dessins et majoritairement tirages, dénote de mon envie de manipuler la matière et les textures, d’être dans la nuance en jouant sur les valeurs de gris. Je cherche à perdre le contrôle de ce que je fais. Voir ce qui surgit et m’extraire de l’image. Quand je suis dans mon labo dans le noir, je fais des gestes qui n’ont pas de sens à la manière de Robert Morris qui a dessiné sa série Blind Time les yeux bandés » ajoute-t-elle. Présenter un négatif c’est aussi présenter un espace intermédiaire, subsidiaire qui relève de l’intervalle. Sans repère technique, notre rapport à l’image devient plus direct. « Il y a des images qui nous parlent de manière autre que visuelle, qui ont une vibration qui nous appelle sans pourtant se référer à quelque de chose de connu. Selon Philippe Blot-Lefebvre, spécialiste en géométrie sacrée, chaque forme émet une longueur d’onde à la quelle nous sommes sensibles au delà de nos cinq sens et de manière inconsciente » conclue-t-elle.

                                                               Pauline Weber, 2022

Using Format